Appel à communication pour le colloque

Res per nomen 3 : référence, conscience et sujet énonciateur

Res per nomen est un des axes de recherche du CIRLEP, le Centre Interdisciplinaire de Recherche sur les Langues Et la Pensée, un laboratoire de l'Université de Reims Champagne-Ardenne (France). Il regroupe des linguistes et des philosophes qui explorent ensemble la problématique de la référence en langue, c'est-à-dire le lien nécessaire entre ce que nous disons et notre expérience. On sait que cette problématique a largement été ignorée par la linguistique du 20e siècle. Ferdinand de Saussure et Leonard Bloomfield ont explicitement laissé la référence en dehors des préoccupations de leur discipline, non parce qu'ils pensaient qu'elle n'y avait pas sa place, mais parce que selon eux, la linguistique devait d'abord se constituer en un domaine distinct de la philosophie ou de la psychologie, et pour ce faire, se consacrer à la langue comme un système indépendant de la pensée et du monde. Un des fondements de la théorie de Saussure est une conception dyadique du signe comme couple signifiant / signifié, qui a par la suite été acceptée comme naturelle tout au long du XXe siècle. Et pourtant, elle a constitué une rupture avec la tradition triadique des Anciens et des Médiévaux, qui distinguaient la res, le conceptus et la vox. Mais comment peut-on réintégrer la référence au sein de la théorie linguistique ?

Le 1er colloque de Res per nomen, en 2007, a essayé de faire Le Point sur la Référence en Langue et d'ouvrir de nouvelles pistes. On ne peut pas simplement aligner la réflexion sur la philosophie analytique classique, celle qui est issue de Bertrand Russell, car elle considère l'étant comme allant de soi et le langage essentiellement comme le moyen de dire le vrai sur le monde. Res per nomen a ainsi adopté un point de vue inspiré de Ludwig Wittgenstein, qui propose une vision du monde profondément ancrée dans notre être et dans le langage : notre expérience s'exprime dans le langage, certes, mais le langage nous impose un cadre qui nous dit ce qui existe. C'est la problématique de la dénomination référentielle, largement traitée par Res per nomen. Il nous est apparu qu'en établissant un lien constitutif entre le langage et notre expérience, la linguistique pourrait se développer dans une voie plus anthropologique qui prendrait mieux en compte notre être biologique et social. C'était un des thèmes du 2e colloque Res per nomen, en 2009, qui a porté sur la Référence, le Langage et l'Anthropologie.

Le Colloque Res per nomen 3, qui se tiendra en mai 2011, entend poursuivre l'étude des thèmes abordés jusqu'ici, avec un accent particulier sur la question de la conscience et du sujet énonciateur. Comment réfère-t-on au moi ? Comment intervient-il dans le discours ? Comment apparaît-il en langue? Pour la philosophie, la conscience est au centre des préoccupations dans la plupart des traditions, notamment dans la tradition cartésienne, si profondément ancrée dans notre culture, et qui repose entièrement sur le sujet pensant, la res cogitans. Il s'en est suivi une conception de l'individu comme singularité absolue, et une conception de la société comme association d'individus constituée sur une base contractuelle. C'est la notion développée par Rousseau dans son Contrat social, profondément intégrée dans notre mode de pensée occidental. Qu'on pense par exemple aux paroles de Mme Thatcher : " There is no such thing as society. There are individual men and women, and there are families " (prononcé le 31 octobre 1987). Faut-il (peut-on) formuler une vision plus anthropologique de l'être humain, pour laquelle il serait une entité produite par une communauté linguistique et culturelle plutôt que dotée d'une existence sui generis ? Quelles en seraient les conséquences sur l'étude du langage et de la pensée ? Voici quelques-unes des questions, sans exclusive, qui pourraient être abordées par Res per nomen 3. Cependant, toutes les problématiques liées à la référence en langue et au lien entre la pensée et l'expérience seront les bienvenues, comme lors des colloques précédents.